Article publié le 15/06/2020 dans
CIVE
Digestat

Mauritz Quaak et son frère Jacques-Pierre sont installés à Chaumes-en-Brie sur une exploitation comptant 250 ha de cultures (colza, blé, orge, maïs, betterave, lin) et un élevage allaitant de 150 mères limousines. L’exploitation emploie également 4 salariés. Lorsque Mauritz rejoint son frère en 2007, ils ont pour projet de diversifier les activités sur l’exploitation, pour sécuriser leurs revenus. C’est chose faite depuis 2013 avec l’implantation de la première unité de méthanisation agricole avec injection dans le réseau en France.

 

Le digestat : un nouvel engrais

Avant son installation, Mauritz Quaak a travaillé dans le machinisme agricole. Se rendant souvent en Allemagne, il remarque l’essor de la méthanisation chez nos voisins et s’y intéresse.

Outre la production d’énergie, il y voit une activité en synergie avec les cultures et l’élevage, déjà présents sur la ferme familiale. En effet, les cultures produisent l’alimentation et la paille pour les animaux. Les effluents d’élevage retournent au sol.

Avec la méthanisation, les cultures produisent toujours de l’alimentation et de la paille pour les animaux. L’intégration de CIVE (Cultures Intermédiaires à Valorisation Energétique) dans la rotation permet d’apporter de la matière au méthaniseur, comme les effluents d’élevage. Le digestat quant à lui retourne au sol.

Mauritz Quaak y voit l’élargissement d’un cercle vertueux, avec une production supplémentaire, celle de biogaz. Il explique que le digestat conserve les valeurs en NPK de la matière intégrée au méthaniseur.

« Le digestat est notre nouvel engrais, il nous a permis d’acquérir une autonomie totale en phosphore et en potasse et de réduire de 60% notre apport en azote. C’est un engrais beaucoup moins organique que les effluents d’élevage ou les CIPAN, plus facilement assimilable par la plante, mais pas aussi minéral que les engrais chimiques. De plus, en 4 ou 5 ans nous avons vu une amélioration du taux de matière organique dans nos sols ».

L’épandage du digestat est réalisé en sortie d’hiver et après la moisson. La phase liquide, plus riche en azote, est épandue sur les cultures proches de l’exploitation, grâce à un système sans tonne, directement via le réseau d’irrigation. La phase solide, plus riche en phosphore et en potasse est réservée aux terres plus éloignées et aux pâtures.

 

Le CIVE, des cultures techniques

La ration du méthaniseur est composée d’un tiers de CIVE, d’un tiers d’effluents élevage, et d’un tiers de biodéchets locaux (pulpe de betteraves, poussières de céréales, lactosérum).

« Comme la part de la production dédiée à l’alimentation ne change pas, notre défi est de réussir trois cultures sur deux ans avec les CIVE. C’est très technique, il faut en prendre soin et les amender  correctement ; mais c’est une gymnastique que les éleveurs ont déjà avec les dérobées fourragères. Derrière l’escourgeon ou l’orge d’hiver, on implante de l’avoine brésilienne, du maïs ou du sorgho avec pour objectif de les laisser entre 90 et 120 jours puis on sème une céréale d’hiver fin octobre - début novembre. Ces cultures sont très dépendantes des conditions climatiques et il faut implanter tout de suite après la récolte pour profiter de l’humidité résiduelle. Derrière un blé on implante du seigle ou du ray-grass, qui nous permet de faire une coupe en hiver et une coupe au printemps, qui serviront soit au méthaniseur soit à l’élevage. Derrière les CIVE d’hiver, on peut implanter un maïs. »

 

Le choix de l'injection dans le réseau

Le gaz produit par le méthaniseur est injecté directement dans le réseau et permet d’alimenter 6 communes autour de l’exploitation, saturant même les besoins en été. Mauritz et Jacques-Pierre Quaak ont fait ce choix pour plusieurs raisons.

« Le rendement énergétique est bien meilleur qu’avec de la cogénération ; il est de 97 à 98 % avec la production de biométhane alors qu’il n’est que de 40 % avec la cogénération. De plus, la France importe une grande partie de son gaz ; en injectant du gaz produit sur le territoire dans le réseau, on contribue à réduire cette dépendance énergétique ».

Leur installation fut la première de ce genre en France, aujourd’hui, il en existe 130. Pour Mauritz Quaak, « la méthanisation est une bonne façon de sortir de l’image de l’agriculteur pollueur, et de montrer qu’on s’adapte. Je suis content de dire qu’on produit à la fois de l’alimentation, de l’énergie, qu’on traite les biodéchets locaux et qu’on contribue à l’autonomie du territoire ».