Article publié le 11/10/2022 dans

Depuis une dizaine d’années, la ferme de Thorigné d’Anjou dans le Maine-et-Loire (140 ha de SAU dont 100 d’herbe, 75 mères limousines, en Agriculture Biologique depuis sa création il y a 20 ans), réalise des essais sur le semis de prairies sous couverts de mélanges céréales-protéagineux, afin de pallier les difficultés d’implantation des prairies en fin d’été, et les problèmes de salissement inhérents. D’abord testée en micro-parcelle, cette technique a été adoptée dans le système il y a 6 ans. Bertrand Daveau, ingénieur de recherche appliquée, revient sur les bonnes pratiques pour réussir ces semis.

Privilégier un semis en simultané au 15 Octobre

Plusieurs modalités de semis sous couverts ont été testées. La plus convaincante est de semer la prairie et le mélange céréales-protéagineux en même temps, vers le 15 octobre, lorsque l’humidité est satisfaisante et qu’il est plus facile de travailler le sol, explique Bertrand Daveau. « Nous semons en simultané, grâce à un semoir à double caisson, mais il est aussi possible de faire deux passages. L’important est de positionner le mélange céréales-protéagineux à 2 ou 3 cm de profondeur et la prairie en surface. Dans tous les cas, il faut rouler après le semis, pour favoriser le contact sol-graine ». Ainsi, le mélange céréales-protéagineux se développe rapidement et occupe le terrain, évitant le salissement et laissant le temps à la prairie de s’installer. En revanche, attention à ne pas essayer de semer trop tôt, avant le 10 octobre, car cela exposerait les jeunes plantes à une pression accrue des adventices voire à des attaques fongiques.

Une récolte du mélange au choix : ensilage, grain voire enrubannage

A Thorigné d’Anjou, la récolte des mélanges céréales- protéagineux se fait soit en ensilage, au stade laiteux pâteux de la céréale, première quinzaine de juin, soit en grain, au 15 juillet. Le choix dépend des objectifs de l’éleveur. Quelle que soit la modalité, les essais n’ont pas montré de différence quant à la qualité d’implantation de la prairie. La récolte en enrubannage est également possible, pour ne pas multiplier les chantiers d’ensilage, parfois sur de petites surfaces. Dans ce cas, la date de récolte est souvent avancée dans la 2ème quinzaine de mai, et il faudra s’assurer que les tiges du mélange soient bien coupées, pour améliorer la qualité de l’enrubannage et sa consommation par les animaux.

Attention au choix des espèces lors d’une récolte en grain

Il faut être vigilant sur le choix des espèces prairiales, car des espèces à implantation rapide, telles que le trèfle violet ou le Ray Grass Hybride (RGH) peuvent concurrencer le mélange céréales-protéagineux. Si ce n’est pas trop impactant dans le cas d’une récolte en ensilage où toute la biomasse pourra être récoltée, cela peut le devenir en grain, entrainant une baisse de rendement voire une impossibilité de récolter. Ainsi, pour une récolte en grain, Bertand Daveau conseille de choisir des prairies à flore variée, avec des espèces à implantation lente. Il rappelle également qu’un mélange blé / pois protéagineux sera plus concurrencé par la prairie qu’un mélange triticale / pois fourrager.

Faire pâturer après la récolte du mélange céréales-protéagineux

Après la récolte du mélange céréales-protéagineux, Bertrand Daveau conseille de faire passer les animaux pour nettoyer les chaumes et donner de la lumière aux légumineuses. Ces passages favorisent la qualité d’implantation des prairies, mais ils doivent être relativement courts, pour éviter le surpâturage des prairies encore jeunes.

De nouveaux essais en cours

En conclusion, Bertrand Daveau estime que le semis de prairies sous couverts de mélange céréales-protéagineux est une technique « sécurisante, économique et qui permet un gain de 20 à 25% de biomasse totale, par rapport à la succession d’un mélange céréales-protéagineux puis d’une prairie implantée en fin d’été ». Il estime que cette technique s’adapte également bien à de nombreuses situations en élevage. Toutefois, il rappelle que les essais ont surtout été réalisés en climat océanique et océanique dégradé, et qu’il y a peu de données dans l’Est de la France « Des essais sont en train de se mettre en place pour vérifier si les prairies, en particulier les légumineuses, mais également les protéagineux, sont impactés par le gel dans ces situations ».

De nouveaux essais sont conduits sur la ferme de Thorigné d’Anjou, plutôt à destination de l’alimentation des troupeaux laitiers. Différentes combinaisons de mélanges riches en protéines, et de dates de récolte (plus ou moins précoces) sont testées, dans le but de mettre en évidence les meilleurs compromis possibles entre teneur en protéine, rendement fourrager et facilité de mise en œuvre et de récolte du mélange (verse, compétition prairies / mélange…).

Crédit photo : Bertrand Daveau, Ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou.