Article publié le 07/09/2022 dans

« Faire évoluer son système fourrager, en prenant le temps qu’il faut pour cela, est essentiel avant une conversion en bio ; cela passe par des étapes à franchir » témoigne Charlène FOURDINIER, éleveuse associée, à Avesnes en Bray (76).

 

Avec son mari, et ses beaux-parents originaires du Pas-de-Calais, Charlène FOURDINIER s’installe en juin 2015 en reprenant l’exploitation de 200 ha de deux frères en reconversion professionnelle.

« Dès le départ, nous comptions passer à terme en bio, car nous avions en nous cette sensibilité. Mais le bio était une étape et non une finalité. En effet, nous voulions avant tout mieux valoriser la qualité de nos produits, améliorer nos pratiques environnementales, sans oublier le développement de nos marges. Pour mieux maîtriser nos prix de vente, en dépendant moins des cours du marché, nous avons développé en 2016 la vente directe. Tout d’abord, nous avons démarré avec la vente de colis de viande, puis dans un deuxième temps de légumes suite à la création en parallèle d’un atelier de maraîchage.  Cette diversification avait plusieurs sens. Premièrement, nous voulions proposer un complément d’offres à nos clients consommateurs sans avoir à augmenter la surface. Deuxièmement, nous voulions optimiser la synergie des ateliers pour davantage de cohérence, comme par exemple en utilisant le fumier de bovin pour « chauffer » la serre.

En 2020, nous avons démarré progressivement notre conversion en bio avec 120 ha de surfaces de cultures la première année. En même temps, nous avons intégré au fur-et-à-mesure de nouvelles races, des Montbéliardes, des croisements Jersiaise et Frison, et des Normandes. Parallèlement, nous avons considérablement réduit nos intrants, surtout les 2 à 3 dernières années avant notre conversion. »

 

Plus de pâturage dans le système

 « Au départ, nous n’avions pas de prairies temporaires et nos laitières n’avaient accès qu’à 15 ha de prairies. Nous avons introduit 40 ha de prairies temporaires dans nos rotations et maintenu les 60 ha de prairies permanentes en créant des chemins d’accès ce qui a apporté un gain de 9 ha. Nous n’avons aménagé que des petites parcelles de 2 ha en moyenne, soit 40 ares par animal, avec de nouveaux points d’eau. Bien que formés au pâturage dynamique, les premières constatations de baisse de production, d’amaigrissement du troupeau et de quelques difficultés de reproduction ont été psychologiquement difficiles à accepter. Ceci nous a ajouté une pression économique. C’est dans ces moments que l’on voit la différence entre la théorie et la pratique, de l’importance de savoir s’entourer et d’être patient dans une transition. Nous avons fait le choix d’améliorer les taux de TP et de TB via la génétique en introduisant de nouvelles races plus adaptées à notre système plutôt que via l’alimentation. Petit à petit, le pâturage s’est bien inscrit dans celui-ci.

Finalement, la baisse des charges compense largement la baisse de production, notamment celle des frais de santé. Nos animaux sont dorénavant 3 mois en plein pâturage. On ne redonne à ’auge qu’à partir de juillet, et on ne les rentre que fin novembre ou début décembre. En laissant les veaux avec leur mère 2 à 3 semaines, nous avons aussi constaté une forte diminution des diarrhées : seulement 2 sur 60 !

 

L’herbe est un précieux atout

Nous considérons l’herbe comme une culture à part entière. Il faut apprendre à bien la valoriser. Elle recèle d’importants atouts économiques et environnementaux et permet de répondre aux objectifs d’autonomie.

En 2020, nous avons démarré l’ensilage d’herbe et de maïs épi, ce qui nous a permis de gagner du temps à la distribution pendant l’hiver tout en amenant une alimentation de qualité. Nous sommes maintenant passés au sans labour et nous amendons nos prairies seulement tous les 3 ans.

Nous utilisons systématiquement un Herbomètre® pour connaître la croissance de l’herbe et ainsi adapter les rotations et les surfaces de manière optimum.

En pâturant, les vaches fertilisent et le bien-être animal est davantage respecté. Tous ces changements de pratiques nous permettent de réaliser des économies de fioul, de temps et de main d’œuvre.

Partager ses pratiques avec d’autres éleveurs est essentiel. Nous sommes adhérents du programme « Reine Mathilde » un programme de développement de la production de lait biologique en Basse Normandie. Nous réalisons plusieurs types d’essais dont l’implantation d’un mélange de chicorée, trèfle violet, luzerne et sainfoin.

Au global, avec un très bas niveau d’intrants, nos résultats sont bons, avec une amélioration de la marge. Nous sommes donc plus sereins. L’herbe c’est l’avenir ! »

 

L’exploitation en quelques chiffres

  • Installation en 2015. Passage en bio au 1er Juin 2022.
  • Actuellement, EARL de 4 associés avec 1 salarié et 1 apprenti.
  • Vente directe à la ferme : colis de viande, légumes.
  • 200 ha de SAU (dont 60 ha de prairies permanentes, 40 ha de prairies temporaires, 28 ha de maïs/méteil, 15 ha de lin, 5 ha de chanvre textile, 5 ha de graines de courge).
  • 80 laitières (Holstein, Montbéliarde, Normande, croisement Frison Jersiais) et 30 mères allaitantes
  • (Blonde d’Aquitaine).
  • Production laitière : 370 000 litres en 2021.