Philippe Sulpice est animateur de la FEVEC (Fédération des Eleveurs et Vétérinaires en Convention). Il nous explique le travail exploratoire que la FEVEC mène pour essayer de répondre à la question suivante : « les indicateurs de santé sont-ils différents dans les exploitations qui pratiquent le pâturage ? ».
La démarche de la FEVEC s’appuie sur une approche globale de la santé animale et sur un suivi sanitaire permanent des exploitations adhérentes.
Nous possédons une base de données contenant des variables ayant trait aux paramètres de l’élevage, à son activité vétérinaire et à sa situation sanitaire. Cela permet de réaliser des comparaisons de groupes où les paramètres de santé sont croisés avec différents critères.
Certains éleveurs adhérents souhaitaient introduire davantage de pâturage dans leurs exploitations, la question de ses aspects bénéfiques sur la santé animale s’est posée. Nous avons décidé de traiter le sujet.
Avec l’aide de Jean-Pierre Manteaux (Chambre d’agriculture de la Drôme), et sur la base des références du « PEP bovins Lait », nous avons créé un indice de pâturage permettant de classer les exploitations en fonction de leurs pratiques.
La quantité d’herbe pâturée est déterminée à partir de la complémentation en fourrage à l’auge. Les concentrés ne sont pas pris en compte. L’indicateur ne concerne que les vaches laitières adultes et varie de 0 à 5, par plage de 700 puis de 600 kg de MS.
La description de l’élevage via son indice de pâturage a été réalisée lors de visites ou par voie de questionnaire. On a notamment demandé aux éleveurs le nombre de jours pâturés, le nombre de jours sans complémentation, la part de complémentation…
Au final, 102 exploitations laitières de la Loire et du Rhône (dont 78 en conventionnel et 24 en AB) ont été analysées.
Il faut garder à l’esprit que ce travail est une première approche exploratoire, effectuée sur un échantillon réduit et sur les données d’une seule année, récoltées en routine dans les exploitations (certaines données peuvent être manquantes). Il ne faut donc pas prendre les résultats au pied de la lettre. Ils mériteront d’être affinés dans les prochaines années.
Certaines tendances semblent néanmoins se dégager lorsque l’indice de pâturage augmente, comme une moindre intensification des systèmes (en nombre de vaches, niveau de production par vache et chargement), une diminution des boiteries sévères et des actes vétérinaires pour des troubles digestifs ou métaboliques, ou encore une meilleure longévité des vaches et de meilleures chances de survie des veaux.
Il est cependant difficile d’affirmer que le pâturage est le seul facteur explicatif de ces résultats. Par exemple, la meilleure survie des veaux pourrait aussi s’expliquer par des vêlages plus étalés, ou une meilleure valorisation économique dans certains systèmes. Il est également très difficile d’évaluer le lien entre le confort et la liberté qu’apporte le pâturage aux animaux et leur santé.
Nous souhaitons continuer cette étude, en structurant petit à petit nos données, avec un effectif plus important et sur plusieurs années, afin de s’affranchir des variabilités interannuelles.
Un groupe d’étudiants de VetAgro Sup va travailler sur le sujet. Nous voulons analyser la combinaison des différents facteurs influant sur les systèmes d’élevages pour établir plus précisément les liens entre pâturage et santé.
Nous aimerions aussi affiner les aspects de distribution dans chaque classe d’indice de pâturage, et ne pas nous contenter d’une moyenne car il y a des élevages vertueux et d’autres moins dans toutes les classes d’indice. Le travail ne fait que commencer !
Tableau 1- Indice de pâturage annuel, d’après Sulpice et al, Journées de Printemps AFPF 2019