Article publié le 15/06/2020 dans
Changement climatique
Sécheresse
Innovation

Entretien avec stéphane Charrier, Directeur de la Recherche Barenbrug France

L’adaptation de nos espèces face au changement climatique est possible. Il faut d’abord identifier les éléments du changement climatique et choisir ceux qui sont les plus impactants pour un éleveur. Notre choix s’est porté sur le stress hydrique car nous avons depuis plusieurs années des déficits en pluviométrie et notamment sur la période de pousse de l’herbe, pénalisant la production. 

Quelles sont les espèces concernées ?

On travaille avant tout sur les Dactyles et les Fétuques Élevées, deux espèces possédant déjà des caractères leur permettant de pousser en conditions sèches mais également le Ray-Grass Anglais. Il y a quatre ans, sur notre site près de Toulouse, nous avons investi dans un tunnel de sécheresse pour approfondir la sélection en condition de pousse extrême. Ces mêmes installations sont également présentes dans notre station de recherche de Wolfheze aux Pays-Bas, plus spécifiquement pour l’espèce Ray-grass Anglais. 

L’objectif est d’améliorer le comportement de ces espèces pendant les périodes sèches afin qu’elles puissent redémarrer à la fin de chaque cycle de sécheresse. Cela permettra aux éleveurs d’avoir davantage de production de matière sèche annuelle et des Dactyles et Fétuques Élevées avec une meilleure pérennité. Sont prises en compte autant les sècheresses de printemps que celles d’été.

 

Quel est le protocole ?

On laisse les plantes un, deux, voire trois mois sans eau puis on réalise une coupe. Cette coupe est suivie d’une irrigation pour faire repartir les graminées et nous recréons ensuite une nouvelle période sèche suivie d’une deuxième coupe.  

A chaque cycle de pousse, plusieurs notations sont faites pour juger de l’état de stress de chaque plante. Une des mesures est faite par NDVI (Indice de Végétation par Différence Normalisée). Cet indice est utilisé dans le monde entier pour surveiller la sécheresse, contrôler et prévoir la production agricole. Il montre visuellement comment une plante est en train de réaliser sa photosynthèse. Ces tests sont faits sur des plantes élites et les meilleures candidates intègrerons de nouveaux cycles de sélection. 

Nous travaillons sur ce thème en collaboration avec des instituts de recherche en Europe pour identifier les marqueurs génétiques liés à la tolérance aux stress. Cela permettrait d’aller plus vite encore en connaissant dès le départ la capacité du matériel face au stress hydrique et donc de lancer des séries de sélections avec uniquement du matériel génétiquement performant. 

 

Autres espèces contournant la période critique de sécheresse

La stratégie de contournement de la période critique estivale par la plante représente un autre axe de travail. Les espèces et variétés qui répondent à ce comportement, produisent au printemps, rentrent en dormance l’été et repartent en végétation à l’automne pour produire parfois jusqu’à l’hiver. 

Elles sont aussi productives qu’une espèce classique, à condition d’être exploitées tôt au printemps. La variété de Fétuque Élevée de type méditerranéen « Prosper » répond à ce type de besoin. 

La Luzerne de type Sud (« méditerranéenne ») qui fait une pause plus courte en hiver, est de plus en plus cultivée au Nord de la Loire. Elle démarre plus tôt, est plus productive en été et peut offrir jusqu’à six coupes, dans de bonnes conditions. 

Le Teff Grass « Moxie », une nouvelle graminée annuelle originaire d’Ethiopie et cultivée là-bas comme une céréale, a été sélectionné comme fourragère sous nos climats tempérés. Elle s’implante au printemps et Il est possible de faire 3 à 4 coupes avant l’hiver. C’est une plante qui produit pendant le trou fourrager. Elle s’utilise en foin ou en pâture et possède de bonnes valeurs alimentaires.