La France compte 11,5 millions d’hectares de prairie sur son territoire. 42 % de cette surface fourragère est fauchée pour être stockée. L’une des méthodes utilisées pour conserver ce fourrage de qualité est dite ensilage d’herbe. Elle permet d’avoir accès à une importante source de nourriture pendant l’hiver ou lorsque les animaux sont éloignés du pâturage. Les élevages bénéficient d’une alimentation à haute valeur nutritive tout au long de l’année.
Pour obtenir un résultat optimal, l’exploitant doit sélectionner avec soin son fourrage, respecter des périodes clés pour le récolter. Ce guide apporte des conseils, de la sélection des couverts végétaux à leur récolte, puis jusqu’à la gestion de la fermentation lactique.
Ensilage de l’herbe : une technique vitale pour un élevage
L’alimentation du bétail, particulièrement des bovins ou des ovins, provient en grande partie du pâturage. Au printemps et à l’automne, les légumineuses ou les graminées préalablement ensemencées sont en pleine croissance. Elles répondent aux besoins quotidiens des animaux en leur apportant de nombreuses protéines. Pour autant, la pousse de l’herbe reste soumise à la saisonnalité. En été ou en hiver, elle ne permet pas de répondre efficacement à la problématique de l’alimentation. À ces périodes, les plantes sont à l’état de dormance, elles perdent en qualité nutritionnelle.
L’ensilage de l’herbe prend le relai, en devenant la principale source nutritive à ces périodes. Ce procédé de conservation permet d’anticiper les périodes de pénurie de pâturage en récoltant le fourrage pour le stocker. Il s’agit d’une technique très efficace, basée sur la fermentation lactique de l’herbe fraîche. Récoltée à un stade de croissance spécifique (avant l’épiaison), cette dernière est hachée puis placée dans des silos hermétiques. Elle y fermente pour conserver durablement sa valeur nutritive .
Les avantages de la technique de l’ensilage de l’herbe
Les surfaces herbagères d’une exploitation constituent la principale source d’alimentation d’un élevage bovin. Pour profiter efficacement de cette ressource, l’exploitant doit être capable de récolter sa production fourragère à un stade précoce, lorsque la valeur nutritive de la plante est optimale. Au stade épis 10 cm , la plante est à un moment charnière, idéal pour la fauche. Après cette date, débute l’augmentation de sa biomasse avec une haute teneur en carbone. Elle a pour conséquence de diluer l’azote de l’herbe. En quelques jours, la plante devient moins digeste, moins appétente pour le bétail.
L’ensilage de l’herbe permet de récolter le fourrage au moment optimal. Cette technique offre de multiples avantages :
- Le fourrage obtenu via cette méthode de conservation contient une bonne teneur en sucres, en protéines comme en fibres. L’alimentation du bétail est équilibrée.
- L’ensilage s’accompagne d’une grande flexibilité en termes de stockage. L’éleveur a la possibilité d’utiliser des silos ou des balles enrubannées.
- En optant pour cette technique, l’éleveur réduit sa dépendance aux apports additionnels en protéines . Le fourrage suffit à répondre aux besoins des ruminants.
- L’exploitant est moins soumis aux aléas climatiques. Il bénéficie d’une grande sécurité alimentaire.
Les étapes de la technique d’ensilage de l’herbe
Pour couvrir les besoins alimentaires de l’élevage dans la durée, l’exploitant doit procéder méthodiquement. La réussite des phases de récolte, de préfanage ou de fermentation est conditionnée au respect de périodes précises.
Sélectionner une herbe de qualité
La qualité de l’ensilage tient à celle du fourrage. La Ray Grass Anglais en est un parfait exemple. Avec sa croissance rapide, sa forte résistance au piétinement, cette espèce est idéale. Récolté au bon moment, juste avant le stade d’épiaison, il offre au fourrage une bonne teneur en sucres et en fibres.
Procéder à la récolte au bon moment
La récolte de l’herbe est l’une des phases clés de cette technique. Elle doit suivre le stade de la plante pour minimiser les pertes en nutriments. À partir de la montaison, la plante perd en valeur énergétique comme protéique. Il est conseillé de procéder à une fauche précoce.
En privilégiant une récolte printanière, au début de l’épiaison (un stade charnière), le fourrage est de qualité. Il est riche en énergie comme en azote. Il possède une faible teneur en cellulose, le rendant ainsi digeste pour les animaux. Après cette période, il perd en sucre, sa conservation s’avère plus difficile.
Cette récolte s’effectue quelques jours avant l’ensilage, à l’aide d’une faucheuse agricole. L’herbe est coupée puis laissée à sécher pour perdre en humidité. L’exploitant doit s’assurer de réaliser cette opération par temps sec. Dans le cas contraire, sous l’effet de la pluie, le taux de matière sèche baisse. D’importantes pertes de rendement sont à prévoir lors de l’étape de fermentation.
Ne pas négliger le préfanage
Après la récolte des prairies, l’ensilage débute par l’étape du préfanage. Cette technique consiste à optimiser la qualité du fourrage en réduisant son taux d’humidité. L’objectif est ici d’obtenir un pourcentage de matière sèche situé autour de 25 à 30 %. De cette valeur dépend ensuite la bonne fermentation de l’herbe :
- Lorsque la matière sèche est inférieure à 25-30 % pour les graminées, 40 % pour les légumineuses, le rendement est diminué. Dans le silo, des pertes sont à attendre sous forme de jus ou avec la prolifération de moisissures. Le phénomène d’échauffement lors du désilage est ici réduit. À l’ouverture du silo, la réexposition à l’oxygène entraîne des risques limités sur la qualité du fourrage.
- Au-delà de 40 %, la qualité baisse, avec une nette perte de nutriments. Une herbe trop sèche se casse, elle rend la compaction difficile. De l’air peut s’introduire plus facilement dans le silo. Il nuit ensuite à la fermentation. En fin d’ensilage, l’exposition à l’oxygène peut s’accompagner d’un important échauffement, réactivant la fermentation. Des dégradations du fourrage sont à prévoir.
Teneur en matière sèche | Avantages pour l’ensilage | Inconvénients |
Inférieure à 25-30 % en graminées, à 40 % en légumineuses | L’échauffement de la surface de l’ensilage est rare à l’ouverture du silo. Les pertes liées à cette montée en température sont minimes. | Le risque majeur est d’obtenir une perte de rendement par jus. La qualité nutritive en protéines peut aussi être dégradée. |
Supérieure à 35 % pour les graminées, à 45 % pour les légumineuses. | Les pertes sont minimes, avec un bon maintien de la valeur nutritionnelle du fourrage. | Le risque d’échauffement à l’ouverture du silo augmente. |
La récolte est ensuite coupée en fines particules grâce à une ensileuse d’herbe.
Opter pour le meilleur stockage
Après avoir transporté le fourrage vers l’exploitation, ce dernier est compacté. Les éleveurs ont ensuite le choix parmi deux méthodes de stockage :
- L’enrubannage en balles permet de rouler l’herbe puis de la protéger dans un film plastique étanche. Placée dans un environnement anaérobie, elle fermente.
- Le stockage en silo permet de gérer de plus grandes quantités de fourrage. Il nécessite une infrastructure dédiée, composée d’un ou plusieurs silos. Ces derniers sont remplis d’herbe puis obstrués par un film plastique. Là encore, cette fermeture hermétique est propice à la fermentation.
Surveiller la fermentation
Dans un milieu privé d’oxygène, certaines bactéries, dites lactiques, transforment les sucres du fourrage en acide lactique. Ce dernier stabilise l’herbe. Il préserve les nutriments des plantes tout en bloquant le développement de micro-organismes nuisibles. Cette étape se déroule sur plusieurs semaines, dans un environnement complètement anaérobie. Pour optimiser ce processus, il est important de vérifier l’état du silo ou du film plastique durant toute la période de fermentation. L’air ne doit pas pouvoir pénétrer à l’intérieur. Dans le cas contraire, la qualité de l’ensilage pourrait en être altérée. La constatation des pertes est uniquement visible à l’ouverture du silo.
Valeur nutritive de l’herbe d’ensilage en fonction de l’élevage
Tous les élevages n’ont pas les mêmes besoins nutritifs. En fonction du type de bétail, l’exploitant ajuste les paramètres de son ensilage :
- Si l’élevage est composé d’animaux à forts besoins protéiques , la récolte doit être prévue précocement. C’est le cas pour les exploitants de bovins en cours d’engraissement ou de vaches laitières. La période de pâturage est réduite, mais l’ensilage permet de stocker un fourrage de grande qualité.
- Pour les génisses de renouvellement ou les vaches gestantes, les besoins sont plus réduits. La fauche peut être réalisée plus tardivement, sur une herbe plus haute. Cela permet à l’éleveur d’allonger la période de pâturage, même si son ensilage perd légèrement en valeur nutritive.
L’ensilage d’herbe permet à un éleveur d’optimiser la qualité de son fourrage. Cette méthode de conservation lui offre l’opportunité de bénéficier à la fois d’un haut rendement en nutriments (fibres, protéines, sucres) et d’une source constante d’alimentation de qualité pour son élevage. Sa production laitière est maintenue, ses animaux conservent un poids satisfaisant sur toute l’année.