Article publié le 08/12/2025 dans
Entretenir sa prairie

Pilier central de l’agriculture durable, le couvert végétal participe à la protection des sols, à la préservation de la fertilité et à la limitation du lessivage des nitrates. Pour en tirer pleinement parti, sa destruction doit être réfléchie. Détruire un couvert végétal au bon moment et avec la bonne technique garantit à la fois rendement et durabilité. Tout l’enjeu est d’adapter ses pratiques à ses espèces, à son sol et à son matériel afin de favoriser une transition harmonieuse entre l’interculture et la culture principale. Conseils pour concilier obligations réglementaires, contraintes techniques et objectifs agronomiques.

Quand détruire un couvert végétal ?

La destruction du couvert végétal est encadrée par plusieurs textes, notamment la Directive Nitrates et la PAC. Cette réglementation impose le maintien d’une couverture hivernale pour protéger les sols, mais autorise la destruction à partir de début février*.

Calendrier et facteurs de décision

La date de destruction du couvert végétal dépend de trois grands paramètres :

  • Espèces implantées : par exemple, pour les crucifères ou les graminées riches en biomasse, la destruction doit être anticipée pour faciliter leur dégradation. À l’inverse, les légumineuses, à décomposition rapide, peuvent être détruites plus tardivement.
  • Climat et sol : un hiver froid et sec favorise la destruction naturelle par le gel ; un sol argileux justifie de ne pas attendre la compaction.
  • Culture suivante : avant les semis de maïs ou de betterave, la décomposition du couvert doit être suffisante pour libérer l’azote et éviter tout effet dépressif.

Risques d’une destruction précoce ou tardive

Une destruction précoce limite la consommation d’eau du couvert, mais prive parfois le sol d’une couverture protectrice. Elle réduit aussi les apports organiques. Une destruction tardive maximise la biomasse et les effets de protection, mais elle peut compliquer le semis de la culture suivante (risque de faim d’azote, ralentissement de la germination, limaces, résidus fibreux).

Les modes de destruction du couvert végétal : comparatif

Il existe trois modes de destruction du couvert végétal :    

  1. Mécanique : broyage, déchaumage, scalpage, roulage ou labour. Ces méthodes permettent de gérer le couvert et le sol simultanément, tout en préparant le lit de semences.
  2. Naturelle : le gel ou le dessèchement est une option pour les couverts gélifs (avoine, phacélie, radis…). Cette méthode est économique, mais dépendante du climat.
  3. Chimique : strictement encadrée, elle ne doit être envisagée qu’en dernier recours et dans le respect des réglementations locales (zones non traitées, restrictions d’herbicides).

Broyage

Polyvalent, rapide, le broyage réduit la biomasse en fines particules. Il facilite le passage de l’outil de travail du sol et favorise une décomposition homogène. Son efficacité dépend du stade du couvert : il est idéal sur végétation jeune et tendre.

Labour, scalpage, déchaumage

Ces trois méthodes combinent travail du sol et enfouissement des résidus :

  • Le labour détruit efficacement les couverts denses, mais peut pénaliser la vie biologique.
  • Le déchaumage agit en surface. Il favorise la décomposition par l’aération du sol.
  • Le scalpage coupe les racines à faible profondeur. Il limite la repousse.

Roulage

Cette méthode douce est adaptée aux couverts hauts ou lignifiés. Utilisé avant un gel, il couche la biomasse pour faciliter sa destruction naturelle. Très prisé dans les systèmes sans labour, il limite le dérangement du sol.

À noter : combiner les approches
En cas de Cultures Intermédiaires à Vocation Énergétique (CIVE), les agriculteurs combinent souvent broyage puis roulage, ou déchaumage suivi d’un semis direct. Objectif ? Optimiser la dégradation, tout en préparant le sol.

Tableau comparatif des techniques de destruction

ModeEfficacitéAvantagesLimites
BroyageÉlevéeRapide, homogène, favorise la décompositionConsomme du carburant
LabourTrès élevéeEnfouissement complet, destruction totaleTravail lourd, perte de biodiversité
ScalpageBonneContrôle des vivaces, préservation de la structure du solRepousse possible
RoulageVariableCompatible avec le gel, faible impact au solTributaire de la météo
DéchaumageBonne à très bonneAère le sol, accélère la décomposition, prépare le lit de semenceNécessite des conditions sèches, peu efficace sur biomasse épaisse
Gel naturelFaible à moyenneÉconomique, respectueux du solPeu fiable selon le climat
ChimiqueTrès élevéeRapide, peu coûteuse en main-d’œuvreRéglementée, effets résiduels

Destruction du couvert végétal : conséquences agronomiques sur la culture suivante

La méthode choisie et la date de destruction influencent directement la fertilité, la structure du sol et la disponibilité des nutriments.

Structure et fertilité du sol

Les techniques mécaniques légères comme le roulage ou le déchaumage préservent les horizons biologiques et la porosité. À l’inverse, un labour profond peut améliorer temporairement le lit de semence, mais réduire la vie microbienne.

Gestion de l’eau et de l’azote

Le rapport carbone/azote (C/N) du couvert détermine la libération des nutriments. Un C/N élevé (graminées lignifiées) entraîne une faim d’azote temporaire : il faut alors adapter les apports avant semis. À l’inverse, un couvert riche en légumineuses libère rapidement l’azote organique.

Problèmes pratiques

Des couverts mal décomposés libèrent des composés phytotoxiques (phénols). Ces derniers viennent gêner les jeunes racines.

Préparation du lit de semences

Bien gérer les résidus garantit une implantation homogène. Les outils à disques ou les rouleaux hacheurs affinent la surface ; ils évitent la compaction avant semis.

Focus : l’effet dépressif des graminées

Les essais montrent que les couverts de ray-grass ou de seigle détruits trop tard provoquent souvent un ralentissement de croissance sur maïs ou betterave. Anticiper leur destruction reste la meilleure prévention.

Destruction raisonnée : conseils pratiques

Une approche raisonnée garantit des sols vivants et une bonne implantation des cultures. Il est conseillé, pour ce faire :

  • D’adapter la technique à son parc matériel.
  • D’anticiper les résidus (simuler leur décomposition aide à planifier le semis suivant).
  • D’observer les restitutions d’azote (un suivi sur plusieurs campagnes permet d’ajuster la date et la profondeur d’intervention).
  • De prendre en compte le contexte pédoclimatique et les objectifs (fourrage, biométhane, biodiversité).

Chaque couvert végétal a un cycle propre. Entre contraintes réglementaires, dynamique des espèces et perspectives de rotation, les retours d’expérience et les essais techniques demeurent les meilleurs leviers pour ajuster ses pratiques.

 

* https://blog.spotifarm.fr/tour-de-plaine-spotifarm/date-destruction-couverts-vegetaux