Article publié le 08/12/2025 dans
Entretenir sa prairie

Pratiquée par les éleveurs de ruminants (bovins, caprins, ovins), l’affouragement en vert repose sur la distribution directe d’herbe fraîche à l’auge. Cette technique d’alimentation vient en alternative ou en complément du pâturage. Avantages, méthodologie, conditions de mise en œuvre : voici tout ce qu’il faut savoir sur l’affouragement en vert.

Qu'est-ce que l'affouragement en vert ?

L’affouragement en vert consiste à prélever quotidiennement l’herbe fraîche des parcelles, puis à la distribuer directement à l’auge du troupeau. Cette pratique se distingue ainsi du pâturage, pour lequel les animaux vont eux-mêmes chercher la ressource. À la différence des fourrages conservés, comme le foin (séchage) ou l’ensilage (fermentation), l’herbe verte conserve toutes ses qualités, avec une teneur élevée en matière azotée totale (MAT), en protéines et en énergie. Elle possède aussi une meilleure digestibilité ainsi qu’une meilleure appétence. Cette supériorité nutritionnelle s’explique par l’absence de phase de conservation.

La technique n’est pas nouvelle. Dès les années 601, certains opérateurs de l’élevage évoquaient la possibilité d’amener l’herbe à la vache lorsqu’il n’était pas possible de la faire pâturer. C’est surtout ces dernières décennies — avec l’éloignement des parcelles, le morcellement du foncier, l’essor de l’élevage en bâtiment, ou encore l’arrivée des robots de traite — que l’affouragement en vert s’est développé. Selon le Recensement Agricole (RA) 2010, 6 %2 des exploitations caprines françaises ont recours à l’affouragement en vert.

Pourquoi pratiquer l'affouragement en vert ?

En production laitière comme en production bouchère, l’affouragement en vert présente, pour les exploitants, des bénéfices à la fois sur le plan agronomique et économique :

  • Diversification, maintien, voire amélioration de la qualité de la ration.
  • Valorisation des surfaces non accessibles au pâturage.
  • Amélioration de l’autonomie fourragère.
  • Amélioration de la production et des performances animales.
  • Diminution des coûts alimentaires liés à l’achat de concentrés protéiques.

L’affouragement en vert constitue une réponse adaptée à certaines situations d’élevage :

  • Contraintes de surface ou de logistique (prairies éloignées ou morcelées).
  • Nécessité de contourner les risques de parasitisme, en particulier chez les caprins, sujets notamment aux coccidies et aux cryptosporidies.
  • Respect de certains cahiers des charges (par exemple, pour les fromages AOP).

Comment pratiquer l'affouragement en vert ?

La réussite d’un système d’affouragement en vert repose sur quatre grands points.

Conditions préalables

En premier lieu, pour maximiser la valeur nutritive du fourrage, il est nécessaire de privilégier des prairies de bonne qualité, constituées d’une diversité de légumineuses et de graminées. Les espèces à port dressé et disponibles à différentes saisons, comme la fléole, le ray-grass ou le lupin, garantissent un apport d’herbe constant. Le stade végétatif du fourrage doit, de la même façon, être adapté : une herbe jeune et feuillue maximise son potentiel énergétique et azoté.

Méthodologie de distribution

Du côté de l’organisation logistique, la planification de la fréquence de coupe (quotidiennement ou plusieurs fois par semaine) et de la quantité d’herbe récoltée se fait en fonction des besoins du troupeau et de la disponibilité des parcelles. Après transport, l’herbe fraîchement récoltée est distribuée à l’auge soit manuellement, soit à l’aide d’un tapis d’alimentation ou d’une remorque distributrice. En fonction des saisons et/ou des conditions météorologiques, l’affouragement peut venir en association avec le foin, voire l’enrubannage. Pour les caprins, le rythme d’affouragement minimum recommandé est de 90 jours par an3.

Suivi de la ration et ajustements éventuels

En fonction de la réponse du bétail (taux de rejet) et des variations saisonnières, le rationnement doit être ajusté. De même, la qualité de l’herbe est à surveiller étroitement. Une herbe trop mûre ou trop grossière perd en valeur nutritive.

Recommandations sanitaires

Pour limiter les risques d’intoxication ou de contamination, il est nécessaire de procéder au contrôle régulier de la propreté de l’auge et des aires de distribution. Pour limiter les risques sanitaires liés à la présence de terre dans l’herbe, il convient de respecter une hauteur de coupe suffisante : 8 cm4  est une bonne référence ; en sus, la repousse s’en trouve favorisée. L’herbe trop humide est à proscrire. Le risque ? La prolifération de bactéries. Si nécessaire, laisser ressuyer quelques heures au champ.

Dans quelles conditions pratiquer l'affouragement en vert ?

Avant de se lancer dans l'affouragement en vert, plusieurs paramètres sont à étudier sur l'exploitation.

Conditions environnementales

Le climat doit être tempéré et les parcelles, bien drainées. Le terrain doit être accessible à la fauche, avec une portance suffisante pour permettre le passage régulier des engins.

Limites et précautions

Pour garder un intérêt économique, l'affouragement en vert nécessite de bien maîtriser les coûts de mécanisation (achat de matériel : faucheuse, autochargeuse...) et de main-d’œuvre. L’affouragement en vert implique en effet un temps de travail supplémentaire. Une distribution quotidienne est nécessaire, voire deux pour les grandes exploitations. Tous ces investissements doivent être adaptés à la taille des troupeaux. Autre facteur à ne pas négliger : les distances à parcourir jusqu’aux parcelles. D’une manière générale, l’affouragement en vert reste rentable lorsque la fauche s’effectue à moins de 3 km5 de l’exploitation.

La réussite de l’affouragement en vert dépend aussi fortement de la qualité de l’herbe distribuée. Une herbe récoltée trop tardivement – donc plus fibreuse – perd une partie de sa valeur nutritive. Conséquences ? Une baisse de la production laitière, une croissance plus lente chez les jeunes, ou encore une diminution des taux butyreux et protéiques dans le lait. À l’inverse, une herbe fauchée trop jeune a une teneur insuffisante en matière sèche avec, là encore, une ration déséquilibrée (excès de potassium, notamment).

 

L’affouragement en vert représente une solution performante pour l’alimentation des ruminants, en particulier lorsque le pâturage se heurte à des contraintes d’ordre structurel ou sanitaire. Pour en tirer pleinement parti, les exploitants doivent veiller à une bonne cohérence entre logistique d’exploitation, conditions environnementales, gestion de la ressource herbagère et qualité du fourrage récolté.

 

Sources :

1 https://afpf-asso.fr/article/affouragement-mecanise-en-vert-et-paturage-rationne-pour-les-vaches-laitieres 
2 https://idele.fr/capherb-web/laffouragement-en-vert 
3 https://idele.fr/capherb-web/laffouragement-en-vert/les-elevages-en-affouragement-en-vert 
4 https://opera-connaissances.chambres-agriculture.fr/doc_num.php?explnum_id=182099 
5 https://wiki.tripleperformance.fr/wiki/Pratiquer_l%27affouragement_en_vert